L’espace de la cour selon Saint-Evremond : le jardin des écrivains ?
Résumé
La littérature «moderne» s’est essentiellement développée dans les cours européennes du XVIe au XVIIIe siècles. Afin de mieux cerner les rapports entre hommes de lettres et gens de cour, le Centre d'étude sur l'Etat, la Société et la Religion en Europe, Moyen-Age et Temps modernes" (ESR) de l'université Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines et le Centre d’Etude de la Langue et de la Littérature Françaises des XVIIe et XVIIIe siècles (CELLF 17-18) de l’université Paris Sorbonne-Paris IV (Centre national de la recherche scientifique) ont organisé, fin septembre 2008, un colloque à Versailles.
Ce colloque a eu pour but de mener une enquête sur le statut, les fonctions et le rôle (symboliques ou réels) que les hommes de lettres ont pu avoir dans le cadre des cours modernes. Au-delà d’une simple approche sociologique de la littérature, comme le fit naguère A. Viala en étudiant la « naissance de l’écrivain », en centrant le propos sur l’espace spécifique de la cour, ces travaux tirent parti des avancées actuelles sur l’histoire des cours, pour mieux comprendre l’un des cadres majeurs où s’est développée la « littérature » moderne. De Ronsard, "poète du Roi", à Voltaire, conseiller du Prince, à Paris comme à Berlin, en passant par les « historiographes » Racine et Boileau, et sans oublier Saint-Évremond, qui occupa des fonctions auprès de la cour anglaise durant son exil, toutes ces figures ont déterminé des configurations différentes de la fonction de l’homme de lettres auprès du monarque. En France, la carrière de Benserade auprès de Louis XIV est exemplaire à bien des égards, mais la figure des prédicateurs de cour et celle des dramaturges protégés par le Prince est aussi évoquée. Il est également question des courtisans devenus écrivains, comme Saint-Simon, voire du monarque lui-même lorsqu’il se pique d’écrire, comme le montre le cas exemplaire de Frédéric II de Prusse. L’évocation de la cour de Catherine II rend sensible aussi le cosmopolitisme des écrivains qui la fréquentent. De fait, une perspective comparatiste est nécessaire, car le statut des "écrivains-courtisans" n’est pas homogène dans l’Europe moderne, des cours italiennes de la Renaissance aux cours allemandes des Lumières.