Conférence : «Langue de bois : mécanismes linguistiques et illustrations journalistiques»
Résumé
le linguiste Salah Mejri a décrypté, lors d'une conférence présentée à la fin du mois d'octobre à l'Institut de recherche sur le Maghreb contemporain (IRMC), les mécanismes linguistiques d'un phénomène dont notre pays est passé maître sous le joug de longues années de dictature et de propagande politique.
«En matière de langue de bois, toutes les langues se valent! On fait des merveilles dans ce domaine en russe, en polonais, en anglais...», s'exclame le linguiste tunisien Salah Mejri.
Mais pour ce directeur du laboratoire LDI (Lexiques, Dictionnaires, Informatique) affilié au CNRS à Paris, qui travaille sur le projet Rev'Corpus- corpus journalistique de la révolution tunisienne, cette logorrhée sophistiquée, pompeuse et démagogique peut aussi émaner des révolutionnaires les plus rouges. Tout simplement parce qu'elle relève du discours construit par les locuteurs en puisant et sélectionnant dans les divers outils que fournit le système neutre et abstrait constitué par une langue : le générique, l'impersonnel, la forme passive...
En observateur attentionné de la scène publique tunisienne, le linguiste suit l'évolution des nouveaux hommes politiques dans leur maîtrise de la langue de bois : « Ils tâtonnent, titubent, s'exercent dans les villages, passent aux chefs lieux pour... donner à la fin des interviews face aux médias !».
Un lexique très général, des formules stéréotypées,
Le chercheur a présenté dans sa conférence la recette pour parler de la langue de bois. Prenez des tournures syntaxiques dominées par l'infinitif, le participe présent, qui gomment le temps, ajouter une touche d'impersonnel («il n'est pas étonnant»), éviter le « je », qui engage, bannir l'interrogation susceptible d'introduire le doute dans les esprits, saupoudrer pour l'esthétique de la chose d'une poignée de fioritures.....