Ethnographier les biens publics dans la Chine urbaine
Résumé
Dans ces deux communications, nous montrons ce qu’une focalisation sur les biens publics permet de dire des processus d’urbanisation dans la Chine contemporaine, en observant les évolutions qui accompagnent les transformations de villages en quartiers urbains. Travaillant au sein d’un même projet centré sur les biens publics (parcs, places, cimetières, écoles, infrastructures de transports) dans des communautés urbaines (shequ) anciennement rurales, notre projet de recherche commun visait initialement à évaluer les enjeux en termes d’égalité d’accès et d’usage entre natifs et migrants, de même que la répartition des responsabilités en matière de financement entre communauté et État, dans les villages urbanisés chinois. Certains des obstacles au terrain que nous avons rencontrés sont similaires : changements très rapides et démolition de nos sites d’enquête, réticences des enquêté.e.s à parler dans un contexte de verrouillage croissant. La focale sur les biens publics, et l’approche biographique des biens publics, combinant observation directe des usages quotidiens et documentation indirecte (archives, médias), permet en partie de surmonter ces obstacles. D’autres obstacles à l’enquête sont de nature différente en raison des villes mêmes dans lesquelles nous avons mené nos recherches – l’une dans une ville relativement ouverte sur le monde et aux chercheuses·rs, Shenzhen, l’autre dans une ville où l’appareil étatique et militaire se montre moins accueillant vis-à-vis des (chercheurs) étrangers, Fuzhou. Ces divergences ont été renforcées par nos positionnements : une anthropologue relativement chevronnée, introduite dans le site d’enquête par des connaissances, et un doctorant initialement dépourvu de guanxi et devant négocier son statut d’enquêteur. Les obstacles rencontrés sur le terrain a fait évoluer le projet vers des questions plus larges – rôle du capitalisme étatique dans l’urbanisation, façonnement de l’image de la ville par les autorités subvertie par les pratiques des résidents.