Être Personne et n’être personne. Le pouvoir de l’alias d’Ulysse
Résumé
When Odysseus invents the pun including Οὖτις / οὔτις / μή τις / μῆτις, he achieves his greatest exploit and one of the most famous linguistic tricks in the world. The hero is thus defined by this deceit as a unique individual deserving a similarly unique kleos. Yet with the same verbal manoeuvre he vanishes as a referent: he is no longer someone, he can not be named anymore. This paper first goes back to the Cyclops episode in order to explore different poetic etymologies of Οὖτις, then examines other passages of the poem where the pun reappears, especially in the dialogues between Odysseus and other characters (Achilles, Penelope and most of all Eumaeus). It underlines the power of the epic language to give the hero an existence or deprive him of it, as well as the acute self-awareness of the poet. The paper thus suggests that, without conceptualizing the notion of being, the Odyssey questions through the relation between linguistic signs and the reality they refer to what it is to be someone and to be no one.
Le jeu sur les mots Οὖτις / οὔτις / μή τις / μῆτις par lequel Ulysse trompe le Cyclope constitue sans doute son exploit le plus fameux, et l’une des ruses linguistiques les plus célèbres au monde. Cette astuce, qui définit le héros comme individu singulier et lui confère le kleos, est en même temps une manipulation verbale qui le fait disparaître comme référent : il n’est plus personne, il ne peut plus être nommé. Après avoir approfondi l’étude du chant IX en explorant les différentes étymologies poétiques possibles de Οὖτις, l’article s’intéresse à d’autres passages où le jeu de mots réapparaît, associé à d’autres effets remarquables de paronymie, notamment dans les entrevues d’Ulysse avec Achille, Pénélope, et surtout Eumée. Il analyse le pouvoir du langage épique à donner ou ôter l’existence au héros, ou plutôt à le rendre présent ou absent, tout en montrant que le poète manifeste une conscience aigüe de ce pouvoir. Il suggère ainsi qu’à défaut de la conceptualiser, l’Odyssée manifeste, dans le rapport entre les signes qui en font l’étoffe et la réalité à laquelle ces derniers renvoient, une réflexion sur ce que c’est d’être quelqu’un et de n’être personne.
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