Depuis que le marché de l’emploi n’est plus en mesure d’absorber la masse de jeunes arrivant sur celui-ci, la question de la qualification par le diplôme est devenue un enjeu central (Zaffran & Vollet, 2018) présenté comme à la fois économique, politique, social et de vivre ensemble (Weixler, 2014). Notamment mue par les politiques découlant d’Europe 2020, la lutte contre le décrochage scolaire a permis de réduire de manière significative le phénomène du départ précoce de sa scolarité. Ainsi, si en 2006 15,2 % des 18-24 ans étaient concernés par une sortie précoce du système scolaire, en 2021, ils n’étaient « que » 9,6 %1. Grâce à un travail en amont de repérage des risques de décrochage scolaire et en aval un travail de remédiation, la France a réussi son défi de l’objectif proposé en 2010 par Europe 2020 (Vollet, 2016). Néanmoins, les jeunes doivent faire face à une vulnérabilité socioéconomique de plus en plus importante face à une marée montante de la précarité (Peugny, 2022) qui tend à renforcer les inégalités et l’instabilité au sein de cet âge de la vie. De plus, des travaux récents montrent l’inadaptation de politiques urbanocentrées (pensées et appliquées pour les villes) à l’ensemble du territoire, et notamment aux espaces ruraux (Reversé, 2021). À travers cet article, nous souhaiterons nous demander comment ces politiques publiques liées à l’absence de diplôme sont vécues, reçues et mobilisées par différents publics ; des jeunes ruraux vivant dans un espace marqué par une pauvreté importante et des jeunes de quartiers politique de la ville (QPV) dans une grande ville ? À travers ce document nous rendrons compte à la fois des similarités dans les parcours et les expériences que ces jeunes peuvent faire du décrochage, de l’absence de diplôme et des situations de vulnérabilité qui les accompagnent. Souhaitant mettre à mal l’approche folkloriste que l’on impose trop souvent aux espaces ruraux (Orange & Vignon, 2019), nous montrons en quoi les problématiques de ces espaces, comme celles des jeunes des QPV, s’inscrivent dans un phénomène de crise néolibérale qui menace les jeunes. Au-delà des similarités dans les expériences, nous mettrons également en lumière en quoi le rapport à sa transition vers l’âge adulte dans un contexte d’absence de diplôme peut varier d’un territoire à l’autre. En mettant en exergue le fait que le rural est bien souvent un impensé des politiques de jeunesse, nous proposerons une lecture de l’ambivalence dans la réception et la mobilisation de ces dernières autour du rapport à la formation, au travail et aux aides, dispositifs et minimas sociaux. Nous voulons mettre en lumière la manière dont la citoyenneté refusée (Chevalier, 2018) peut créer des réactions différentes et des phénomènes de renforcement des inégalités d’un territoire à l’autre.