Un ours dans les étoiles, recherche phylogénétique sur un mythe préhistorique. - Campus AAR Accéder directement au contenu
Article Dans Une Revue Préhistoire du Sud-Ouest Année : 2012

Un ours dans les étoiles, recherche phylogénétique sur un mythe préhistorique.

Résumé

This paper gives new evidence that Upper Palaeolithic societies of western Europe would have interpreted stars as patterns or constellations. It also shows how we can scientifically reconstruct the prehistoric mythology. In Eurasia and North America, the stars in the handle of the Big Dipper are often interpreted as hunters and the Dipper itself as an elk or a bear, killed or pursued. This motif is not known on other continents, nor in the Arctic where the Big Dipper is seen better than everywhere else. The link between the Big Dipper and the Cosmic Hunt could only be explained by particular and very ancient historical links between the corresponding traditions. We postulate that the more two myths diverge, the more distant is their genetic relationship, geographically and temporally. We construct a database including the typological variations of the Big Dipper / Cosmic Hunt versions, where the mythological structural features were coded for their presence (1) or absence (0) in each of the target myths. They were selected to provide broad typological coverage, reflecting the known mythological variations of the myth. The whole data matrix contained 44 binary features coded for 18 Amerindian, Asian and European myths. Then we have treated the feature of the studied stories as character traits distributed among taxonomic units (myths). Indeed, there are many analogies between the ways that genes and myths evolved: e.g. both are system of replicators comprising discrete, heritable and highly conservative units (genes and mythemes); they are naturally or socially selected and generally vertically transmitted ; they evolve by a system of descent with modification ; they split into new versions and sometimes go extinct. These connections give hope that the use of phylogenetic methods will succeed and that historical signal can be found. First, the binary-coded mythological feature were computed thanks to a phylogenetic distances algorithm: Bio Neighbor Joining (tree 1), implemented in SplitsTree4, to find the optimal historical tree for the mythological data (Delta score = 0.3239; Q-residual score = 0.06324; 10.000 bootstrap replications). Then, using Mesquite 2.75, we calculate a value for the tree using the same character data matrix. We calculate the parsimony treelength of the tree and matrix. Character matrices were supplied from data files and the tree was rearranged by subtree pruning and regrafting. Tree 2 shows what we obtained (root: Khanty; treelength for character matrix: 74 ; CI: 0.59; RI: 0.71). This tree and the BioNJ tree are convergent. Delta score, CI and RI are indicative of low horizontal transmission and indicate vertical signal in the data. The results show a clear organisation and a progression: (Greece) => Central Asia => Siberia => British Columbia => North-eastern America. This signal is consistent with what we know of the first human migrations. The Big Dipper interpreted as a cosmic hunt must be even older than 15.000 years, coming from Asia, when North America was populated by the migration across the Bering Strait. The orderly and geographically consistent phylogenetic signal shows that phylogenetically analysed mythological pattern can preserve a signal that is consistent with very old human migrations. Phylogenetic approaches have already provided new insights to the origin and distribution of language and culturally transmitted object but it may be the first time that a geographical distribution pattern allows the phylogenetic reconstitution to reach right back the Palaeolithic. As genes and certain words, some myths seem to evolve slowly enough to have time-depths of at least 15000 years, making them good candidate for both deep reconstruction of ancient migrations and prehistoric meanings. Phylogenetic reconstructions using parsimony and Maximum Likelihood with model Mk1 allow to reconstruct ancestral states of the mythems and of the myth itself. The prehistoric tale may be that a man pursues a deer, and that the animal turns alive into the Dipper. The Cosmic Hunt might have been reflected in the rock art of Karelia, Siberia, the Far East and Northern Mongolia, by the authors of the wounded man of Lascaux and in the Greek and Basque mythologies.
Cet article montre que les sociétés paléolithiques d'Europe de l'Ouest assemblaient déjà les étoiles pour former des constellations. Il présente également une méthode réplicable pour reconstituer scientifiquement la mythologie préhistorique. En Eurasie et en Amérique du Nord, les étoiles formant le bras de la constellation dite de la Casserole sont souvent interprétées comme des chasseurs, et la casserole elle-même comme un cervidé ou un ours, poursuivi ou tué par ces assaillants. Ce motif est inconnu sur les autres continents, ainsi qu'en Arctique où la constellation est pourtant bien visible. Le lien entre cette constellation et la chasse cosmique ne doit donc rien au hasard, et ne peut s'expliquer que par d'anciens liens historiques unissant les diverses traditions. Nous sommes partis du postulat suivant : plus deux mythes divergent, plus leur distance géographique est grande, géographiquement et temporellement parlant. A partir d'une banque de données incluant les différentes versions du mythe unissant Casserole et chasse cosmique, nous avons codé chaque trait caractéristique de la famille de mythes par un 0 ou par un 1 selon sa présence ou son absence dans la version étudiée. Les versions ont été sélectionnées afin d'inclure de nombreux traits caractéristiques, et refléter le plus largement possible les variations mythologiques connues de ce mythe. Au final, la matrice contient 44 traits codés de façon binaire (0/1) pour 18 mythes, amérindiens, asiatiques et européens. Puis nous avons traité les caractéristiques des versions étudiées comme des traits distribués le long d'unités taxonomiques (mythes). Il existe en effet de nombreuses analogies entre l'évolution des gènes et l'évolution des mythes. Par exemple, il s'agit dans les deux cas de systèmes de réplication basés sur des unités discrètes (gènes / mythèmes), héritables, naturellement ou socialement sélectionnées et généralement transmises verticalement ; de plus, ces systèmes évoluent selon un principe de descendance avec modification. Ces rapprochements donnent l'espoir que des méthodes phylogénétiques permettront de traiter efficacement les versions d'un même mythe et de retrouver un signal historique cohérent. Nous avons ensuite traité les caractères mythologiques codés de façon binaire grâce à un algorithme phylogénétique de distance : Bio Neighbor Joining (arbre 1), implémenté dans SplitsTree4, afin de déterminer l'arbre historique optimal pour rassembler l'ensemble des données mythologiques de notre corpus (Score Delta = 0.3239 ; Q-residual score = 0.06324; 10.000 bootstraps). Puis, employant Mesquite 2.75, nous avons obtenu un nouvel arbre à partir de la même matrice de données. Celui-ci a été obtenu en minimisant au maximum le nombre de changements dans l'arbre et la matrice. Nous avons alors utilisé la méthode SPR (subtree pruning and regrafting) pour tester la disposition de l'arbre dans l'espace ; cet algorithme heuristique permute des parties de l'arbre, en cherchant à obtenir le meilleur arbre possible. Nous avons ainsi obtenu l'arbre 2 (enraciné chez les Khanty, treelength for character matrix: 74; CI: 0.59; RI: 0.71). Les arbres obtenus avec les logiciels Mesquite et Splitstree montrent des résultats identiques. Le score delta, le CI et le RI calculés à partir des données montrent une faible proportion d'emprunts dans la diffusion des versions du mythe et semblent confirmer une forte transmission horizontale de celles-ci. Les arbres montrent une organisation très claire et une progression géographique cohérente : (Grèce) => Asie centrale => Sibérie => Colombie-Britannique => Amérique du Nord-Est. Par ailleurs, le signal concorde avec ce que nous savons des premières migrations humaines. L'origine du mythe de la Casserole, interprétée comme une chasse cosmique, date sans doute d'il y a plus de 15.000 ans ; elle serait venue d'Asie pour se diffuser ensuite en Amérique du Nord via le détroit de Behring. Le signal phylogénétique est ordonné et cohérent d'un point de vue géographique ; cela montre que des traits mythologiques analysés grâce à des méthodes phylogénétiques peuvent conserver un signal historique cohérent, et corroborer ce que nous savons des premières migrations humaines. Les approches phylogénétiques ont déjà permis d'éclairer l'origine et la diffusion de langues ainsi que de certains objets culturels, mais sur des périodes relativement courtes, de l'ordre de quelques milliers d'années. Dans cet article, l'aire de diffusion du mythe étudié montre que la méthode permet de remonter bien avant, jusqu'au Paléolithique supérieur. Comme les gènes et certains mots, les différentes versions d'une même famille de mythes semblent évoluer suffisamment lentement pour remonter à plus de 15000 ans en arrière, faisant d'elles d'idéales candidates permettant de reconstituer à la fois d'anciennes migrations et le contenu de cultures préhistoriques. Reconstruite à l'aide du logiciel Mesquite, la première version du motif de la chasse cosmique associée à la grande Ourse serait la suivante : " Un unique cervidé est pourchassé par un seul chasseur. L'animal est vivant quand il devient la constellation de la Grande Ourse. " Le mythe de la Chasse cosmique a peut-être été illustré par certaines images de l'art rupestre en Carélie, en Sibérie et dans le Nord de la Mongolie, ainsi que par les auteurs de la fameuse scène du Puits de Lascaux et les mythologies grecque et basque.
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2012.4._Un_ours_dans_les_A_toiles_recherche_phylogA_nA_tique_sur_un_mythe_prA_historique._-_PrA_histoire_du_sud-ouest_20_1_91-106.pdf (395.35 Ko) Télécharger le fichier
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Dates et versions

hal-00825883 , version 1 (25-07-2013)

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  • HAL Id : hal-00825883 , version 1

Citer

Julien d'Huy. Un ours dans les étoiles, recherche phylogénétique sur un mythe préhistorique.. Préhistoire du Sud-Ouest, 2012, 20 (1) (1), pp.91-106. ⟨hal-00825883⟩
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