Ce chapitre prend appui sur la lecture du dernier ouvrage philosophique de Xiong Shili 熊十力, penseur chinois moderne reconnu comme étant l’un des fondateurs du Nouveau confucianisme. Ce titre posthume, Xiong Shili le doit surtout à son célèbre « nouveau cognitivisme », bien que, dans l’élaboration de ce dernier, il se soit fortement inspiré du bouddhisme. Le magnum opus de Xiong Shili auquel nous faisons référence procura en effet, par la façon dont il renouvelait certains problèmes fondamentaux de la pensée chinoise, les bases d’une renaissance philosophique du confucianisme en Chine. Notons cependant qu’avant d’être « nouveau confucéen », Xiong Shili fut un partisan actif de la Révolution de 1911. Cet épisode de l’histoire chinoise marqua longtemps son esprit, comme l’atteste cet ouvrage, peu connu, de Xiong Shili : le Qiankun yan 乾坤衍 (Déploiement du sens des hexagrammes Qian et Kun). Publié en 1961, à savoir cinquante ans après l’expérience révolutionnaire du jeune Xiong, celui-ci figure comme le point d’aboutissement d’un travail de réinterprétation « moderne » des Classiques confucéens et d’une pensée politique du confucianisme que Xiong Shili commence à formuler dans les années 1940. Peu étudié, cet aspect de la pensée de Xiong Shili non seulement occupe une part importante de son œuvre, mais nous paraît représentatif des tendances qui marqueront le courant intellectuel dont Xiong Shili et ses contemporains auront permis la naissance. A la suite de Léon Vandermeersch, on peut en effet synthétiser ainsi la démarche de ce mouvement : « refonder le confucianisme sur des bases théoriques rénovées par l'emprunt à la culture occidentale des principes de la pensée scientifique et démocratique ».