La lutte des femmes chinoises migrantes pour se marier en France, ou le parcours temporel de la suspicion de mariage blanc
Résumé
Parmi les mariages franco-chinois célébrés en France, on note ceux formés majoritairement par des hommes européens quinqua ou sexagénaires épousant des migrantes chinoises sans papiers quadragénaires avec qui ils peinent à communiquer faute de langue commune. Ces mariages préoccupent les administrations françaises, car ils donnent accès à un permis de séjour au conjoint étranger ; elles craignent un détournement de la loi à des fins migratoires et d’avoir affaire à des mariages de complaisance.
Mon analyse se penche sur le lien entre statut matrimonial et statut migratoire et plus particulièrement sur l’impact de la loi et des préoccupations administratives jusque dans la sphère intime des migrantes chinoises rencontrées.
Cette présentation s’appuie sur un terrain ethnographique au long court à Paris et le suivi sur plusieurs années du parcours et des points de vue de femmes chinoises ayant migré en France temporairement, sans aucun projet de mariage mais qui finalement décident d’épouser un homme local, puis de leurs vies de couple. J’ai observé les manières dont elles découvrent, s’insurgent, gèrent et tentent de contourner la suspicion de mariage blanc. L’attention aux émotions et à la temporalité permet de montrer combien cette manière de concevoir ces couples fonctionne comme un stigmate (Goffman) et ne prend pas fin avec la célébration du mariage. Au contraire au fil du temps, elle se développe au-delà du cadre administratif, s’impose à plusieurs types d’acteurs et prend de multiples facettes, contraignant les femmes migrantes à un travail émotionnel et de distinction, visant à proposer d’autres représentations plus légitimes de leur couple.