« Cachez ce saint que je ne saurais voir » : usages et enjeux du patrimoine funéraire
musulman dans le sud-est chinois
Résumé
Depuis le début des années 1980, le patrimoine funéraire musulman en Chine connaît un
changement paradoxal : de grands tombeaux sont érigés ou bien restaurés à grands frais
par les autorités gouvernementales, attitude qui tranche radicalement avec les dernières
décennies du XXe siècle, où ces édifices furent violemment détériorés. Ce changement
apparaît sur plusieurs niveaux de manifestation dont la plus importante est la qualification
officielle de certains de ces édifices en patrimoine culturel national (quanguo wenwu
yichan 全国文物遗产). Cependant, cette revalorisation ne s’applique pas sans certaines
modifications structurelles et historiographiques, où ces personnages, tout comme leur
environnement, sont profondément transformés par un système élaboré de réécriture
historique. Comment ce discours sur les monuments religieux, en particulier sur les
tombes musulmanes, est-il apparu en Chine ? À quelles fins ? Ma discussion se basera
sur l’analyse de deux sites, le mausolée de Sa’ad ibn Abi Waaqas à Guangzhou (province
du Guangdong) et les deux tombes saintes de Linghsan (Quanzhou, Fujian), reconnus et
classés comme sites du patrimoine culturel national et inscrits sur la Liste indicative de
l’UNESCO. En scrutant le caractère dialogique et interactif de ces espaces patrimoniaux et
la manière dont ils sont investis de nouvelles significations, il est possible d’observer la
plasticité mémorielle dont ils sont le support.