Des manuels de géographie aux planisphères de l'Ecole de la République, l'Indochine coloniale affiche sur des aplats rassurants une autorité dont les contours clairement définis s'appliquent de manière uniforme sur l'ensemble du territoire. Pour autant, l'affirmation de la France sur les confins du Tonkin à partir des années 1880 fut le fruit d'une entreprise diplomatico-militaire délicate et de longue haleine dans un environnement troublé. En effet, depuis la seconde moitié du XIXe siècle, la région frontalière bordant la Chine échappait à l'autorité de la cour de Hué qui s'appuyait de manière séculaire sur les gardiens traditionnels des marches pour garantir une stabilité mise à mal sous la pression des bandes chinoises. Officiellement rétablie à partir de 1895, la frontière passe désormais sous le contrôle de l'administration coloniale. Epaulés par leurs partisans, les officiers français, basés dans un chapelet de postes, tentent d'assurer conjointement avec leurs homologues situés du côté chinois la police aux frontières. L’objet de cette communication est d’interroger les modalités mises en œuvre par l’administration coloniale afin d’assurer l’ordre aux frontières de son Empire et de réguler les désordres frontaliers. Elle vise à restituer l'architecture coloniale destinée à préserver l'ordre public sur la frontière, cerner le dynamisme des illégalismes transfrontaliers, du banditisme aux trafics en passant par les rébellions, et étudier les réponses apportées par les pouvoirs publics pour lutter contre cette criminalité.