L'informaticien est-il condamné à inventer des machines à imiter ?
Résumé
Pour un informaticien, programmer, c'est créer. Mais ses créatures peuvent-elles elles-mêmes créer ? L'informatique, - terme peu utilisé de nos jours -, est la rencontre explosive entre une incroyable stabilité et une tout aussi incroyable dynamique. La stabilité du dessin de la machine de Von Neumann, et la dynamique de la miniaturisation des transistors, qui dessine cette machine avec des traits toujours plus fins. On envisage des traits larges de 10 atomes d'ici une décennie. Nous fabriquons ainsi un matériau réticulaire inédit, dont les dimensions vont de l'atome de diamants de silicium au diamètre de la planète sertie de câbles transatlantiques. Une éponge numérique, qui ne demande qu'à absorber tout ce qu'elle voit et ce qu'elle entend, tout ce qui se dit et tout ce qui s'écrit. Et quel jus peut bien en sortir, si l'on presse l'éponge ? C'est la question que nous pose l'apprentissage profond. Au sens habituel, une œuvre est unique. Mais en numérique, l'identité n'existe pas. Toute configuration est déplaçable, duplicable, modifiable sans délai et à l'infini. Qu'est-ce qu'une œuvre qui serait vue au plus par une seule personne, ou vue différemment par chaque personne, à travers son casque - ou son masque ? L'informaticien, pris dans ce vertige, invente des langages pour tenter de réduire le grand écart entre le sens et le silicium. Ces langages sont eux-mêmes des œuvres, parfois des chefs-d'œuvre, mais sont-ils capables de représenter les œuvres de la culture ?