La trajectoire d'une littérature bilingue au XVIIIe siècle : le cas d'Antoine Clet du Puy-en-Velay.
Résumé
Le ponot Antoine Clet est à la fois l’imprimeur patenté de l’évêché et de la ville du Puy-en-Velay et l’auteur de trois pièces satiriques de forme théâtrale dont les deux premières sont bilingues, occitan et français : Le Sermon manqué, Monsieur Lambert et Le Borgne. Elles offrent l’exemple d’une littérature urbaine et nettement localisée qui emprunte les voies marginales du manuscrit pour compenser la forte mainmise sur la ville par les jésuites et l’évêque Le Franc de Pompignan, cible privilégiée du persiflage de Voltaire. Surtout, ces trois pièces que l’on peut suivre à travers une série intéressante de manuscrits conservés à la B.M. du Puy, dessinent une trajectoire littéraire de plus en plus consciente : au fur et à mesure que s’affirme la fonction sociale de ces textes, le bilinguisme évolue et l’occitan devient en même temps la langue la plus importante symboliquement et la langue impossible. L’œuvre d’Antoine Clet offre un cadre particulièrement fécond à la réflexion sur le bilinguisme littéraire, où français et occitan ne cessent de s’opposer et de se compléter.
Antoine Clet was both the patented printer of the diocese and the town of Le Puy where he lived, and the author of three satirical plays, the first two of which are bilingual (Occitan/French): Le Sermon manqué, Monsieur Lambert, and Le Borgne. The plays constitute specimens of highly localised urban literature, which turns to the marginal space of manuscript to counteract the strong hold of the Jesuits, and the bishop Le Franc de Pompignan (a favourite target of Voltaire’s satire) on the town. In particular, these three plays, which we can follow through an interesting series of manuscripts conserved in the municipal library of Le Puy, trace an increasingly self-conscious literary path: as the texts affirm their social function, their bilingualism evolves, and Occitan becomes at once the most symbolically important language and an impossible language. Antoine Clet’s oeuvre offers a particularly fruitful starting point for consideration of bilingualism in literature, in which French and Occitan forever oppose and complete each other.